dimanche 17 décembre 2017

Putain d'cim'tière


[Temps de lecture moyen: cinq minutes]

De passage à Paris, il m’a pris l’idée d’aller rendre visite à mes parents dans leur dernier lieu de résidence connu : le Cimetière Parisien de Bagneux. Un truc genre, comme on dit aux USA, pour “pay my respect” quoi, vous voyez l’idée. Je ne suis pas super fan de ça : les gens sont morts, bon, ben ils sont morts quoi. Je vais arriver là-bas en étant presque certain que ma mère n’aura rien préparé du tout pour ma visite. Pas un café, pas un gâteau, pas un bon rosbif-frites, pas un Caprice-des-Dieux-juste-pour-toi-parce-que-ce-machin-n’a-aucun-goût, rien quoi.

Je m’attends à un accueil un peu froid.


Et voilà qu’il se passe quelque chose de rigolo : l’histoire tousse et se répète. J’arrive, pépère, à 13:15 et paf ! Si le cimetière est ouvert, le bureau, lui, est fermé pour la pause déjeuner entre midi et deux. Et ça, voyez-vous, c’est un gros problème quand on ne sait pas où se trouve la Demeure Ultime et Éternelle (la tombe, quoi) de ceux à qui l'on vient rendre une visite de courtoisie. Et « l’histoire tousse », parce qu’il m’était arrivé exactement la même chose deux ans auparavant. Pareil. Au lieu de 13:15 j’étais arrivé à 17:20, et le bureau était fermé depuis bien longtemps. Il m’avait fallu faire appel à toutes mes ressources, à me transformer en Sherlock Holmes pour retrouver la tombe de mes parents. Du coup, pas con, j’avais fait un point GPS et conservé l’info dans mon téléphone, alors aujourd’hui, c’était facile de retrouver l’emplacement.

Et c’est cette première aventure que je m’en vais vous compter. Vous copier-coller, en fait, parce que je l’avais écrite peu après, dans l’avion qui me ramenait à la maison.


Octobre 2015

On est en fin d'après-midi en ce début d'automne à Bagneux, et j’ère, seul, dans le cimetière.

Les cimetières sont super pleins à la Toussaint, mais entre deux Toussaint, faut reconnaître que c'est plutôt morte saison, y a pas foule.

Me voici, donc, seul au milieu des tombes, avec juste un gardien à l'entrée, mais de là où je suis, je ne le vois plus, le gardien. Et il se trouve que s’il y avait plus de monde et que ce monde me regardait, il me trouverait très certainement un air soucieux. Les gens qu’on croise dans les cimetières n’ont généralement pas l'air spécialement ni heureux, ni gais, mais là, je fais clairement la gueule. En y regardant de plus près, on verrait qu'il s'agït plus de la gueule de l'énervé que de celle du malheureux. Je marche beaucoup dans ce cimetière.

Et la gueule, c’est parce que je ne trouve pas la tombe et ça, c’est ballot. Le truc, c'est que comme je suis arrivé tard, peu avant la fermeture, il n’y avait plus personne pour m’orienter dans ce grand cimetière. Ça fait déjà dix minutes que je cherche au hasard, et je commence à en avoir un petit peu marre.

Putain d'cimetière !

Bien sûr, à un moment, l’envie de partir « et puis merde ! » se fait puissante. Mais ce serait con. J’étais peinard en train de siroter un blanc au bar du haut de la Tour Montparnasse, cool, tranquille, à observer les gens autour de moi pour leur inventer des histoires quand d’un coup d’un seul, sans prévenir, paf ! « Tiens, et si j’allais voir les parents ? ». J’ai fini mon verre, payé, suis descendu, pris un taxi, et me voilà, errant seul à la recherche d’une tombe dans un cimetière.

Nan mais quelle idée stupide, sans déconner. Imaginer qu’il y aurait encore quelqu’un pour me renseigner, un samedi à cinq heures et demi, nan mais n’importe quoi. J’aurai pu très facilement vérifier les heures d’ouverture du bureau et tout.

Quel con, bordel !

Mais bon. Il faut aussi savoir suivre son instinct des fois : si j’ai eu une subite envie d’y aller alors que j’en étais seulement à ma deuxième gorgée de blanc (si j’avais été fin rond, là, c’est sûr que l’idée aurait été pour le coup vraiment stupide), ben c’est qu’il fallait y aller, alors allons au bout de la chose.

Et c’est là qu’après avoir erré au hasard pendant dix bonnes minutes, en regardant les noms sur les tombes, je commence à réfléchir. En me disant que c’est pas trop tôt, de commencer à réfléchir. Et je fouille mes souvenirs. Mais vraiment. J’essaye de me rappeler des trucs enterrés bien profonds. Haha. Des souvenirs enterrés, vu l’endroit où je me trouve c’est bien d’actualité. Haha. Et me vient la certitude que c’était pas loin de l’entrée. On n’avait pas eu besoin de marcher longtemps. Et je suis convaincu que c’est sur la droite, dans la grande allée centrale.

Bon, ça réduit le périmètre de recherche, mais il en reste encore un gros gros paquet, de tombes, sur le côté droit de l’allée centrale. Impossible de me rappeler si c’est plutôt genre dans le premier bloc, dans le second, ou le troisième : aucune idée.

Et là, l’idée de génie. Vraiment, je ne veux pas me jeter de fleurs (j’aurai pu m’en jeter, des fleurs, notez, puisque généralement, on va au cimetière avec des fleurs. Mais j’en avais pas pris. Les fleurs, voyez-vous, c’est pas pour les morts, c’est pour ceux qui restent. Et là, ben, j’étais seul, et je ne m’étais pas offert de fleurs ce jour-là, donc je n’en avais pas à me jeter, CQFD), je ne peux pas me jeter de fleurs, donc, mais l’idée qui m’est venue était parfaite : Quand maman est morte il y a deux ans et demi, ben des photos ont été prises au cimetière, et je les ai certainement dans mon téléphone, alors, si ça se trouve, je pourrais y trouver des indices !

Et me voilà sortant frénétiquement mon téléphone, cherchant les photos, trouvant les photos, regardant les photos, une par une, doucement, douououououcement, ne pas faire dans le frénétique là. Ha merde, pas de bol, ce sont des photos sans position GPS, va savoir pourquoi. Sinon, j’aurai zoomé et hop. Mais tant pis tant pis tant pis on va trouver on va trouver on va trouver.

Et….bingo ! C’est pas un adorable petit ange que je vois là ?



Mais oui ! Mais oui c’est un adorable machin qui va être facile à reconnaître. Nous avons à présent deux indices qui vont permettre de réduire les recherches : ce n’est pas loin de l'entrée, et c’est près d’une statue d’ange.

Ma gueule fait moins la gueule à présent. Enfin, plus exactement, elle change de type de gueule : d’anxieux de ne pas trouver la tombe, me voilà finalement un peu anxieux de la trouver, parce qu’une fois devant, bon, je sens bien qu'il y a des trucs qui vont remonter quoi..

Alors je procède minutieusement. Militairement même. Il reste une vingtaine de minutes avant que le cimetière ne ferme, alors on fait comme au bon vieux temps des urgences, on fait le job sans s’occuper de ce qu’il y a autours, chaque chose l’une après l’autre, rapidement, mais fermement. Zone par zone, allée par allée. On sait jamais, l’ange dépassait, mais va savoir s’il ne s’est pas cassé la gueule depuis (et là me sont venus des jeux de mots sur l’ange déçu/déchu, mais rien de très drôle alors bon).

Chou blanc à la première zone : on passe à la seconde. Méthodique. Mé-tho-di-que. Et là, hop ! L’ange !

Ça y est !

La voilà ! La tombe est en vue, là à quelques mètres de moi sur ma gauche.

Et alors ça me prend d'un coup. Je m’arrête. Ne me sens soudain pas terrible terrible. Vraiment, pas super envie d'y aller, finalement. C’est bon quoi, j’ai trouvé la tombe, résolu l’énigme en bien moins d’une heure, je peux sortir de l’Escape Room maintenant-tout-d’suite, non ?

Bon. Bref. Je vous passe les retrouvailles, j’étais le seul à parler de toute façon.


1 commentaire:

  1. Thibaud, t'es bon.
    Pour la rime, j'aurais voulu marquer "Thibaud, t'es beau", mais comme tu fais toujours que des trucs pour m'embêter (genre je m'éloigne de plus en plus), tu te débrouilles pour ne pas être beau mais bon.
    Je sais, tu vas dire : "Mais si, je suis beau" !
    Alors disons que tu n'es pas dans mes critères de beauté.
    Mais dans mes critères de bonté, si.

    Allez, écris nous plus souvent sur ton blog à défaut de prendre le temps de venir voir ceux qui ont encore la chance de pouvoir encore t'acheter du Caprice des Dieux, du Nesquick, du Milka et autres sauces tomates industrielles pour t'accueillir ;-)

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