dimanche 22 avril 2018

Écrire une histoire toute gentille, c'est très difficile

[Temps de lecture : ~11 minutes. Oui oui. Onze. Entre dix et douze quoi. Moitié l'article, moitié l'histoire.]

C’était super dur !

Dans l’avion qui me ramenait du Michigan courant mars dernier (on est en 2018. Je précise au cas où quelqu’un lit ça dans 10 ans. Donc en 2028. À peu près, je suis pas comptable), je me suis fait un challenge. L’avion avait du retard à cause d’une tempête de neige à NY, le vol a été repoussé, reprogrammé, re-repoussé, re-reprogrammé, re-tout, mais j’ai rien lâché, et, au bout du compte, j’ai pu m’installer, tranquille, pépère.

Bref. Le challenge : écrire, pendant la durée du vol, une histoire de princesse dans laquelle tout se passe bien, tout est beau, tout est parfait. Pas de méchants, pas de sorcières, pas de monstres, pas de complots, pas de trahisons, pas de tueries, pas de barbarie, pas d'irrespect envers les animaux, rien. Juste la Princesse (la plus belle du monde, évidemment), le Prince, ils se voient, ils s’aiment et hop ! Emballez, c’est pesé !

Quitte à se faire - peut-être - un brin chier en lisant d’ailleurs. Mais dans ma tête les images étaient magnifiques, alors, bon, du coup, ben j'ai pris grand plaisir à l'écrire, et ça a bien fait passer le temps.

Cependant, figurez-vous que ça a été super dur (notez l’italique, pour insister sur la difficulté) de rester scotché au gentillet. Quasiment à chaque ligne, ça partait un peu en vrille, comme on dit, et je devais me forcer à coller au challenge. Parfois je voulais en rajouter dans l’exagération mielleuse, tout-est-parfait-dans-ce-Royaume-dis-donc, mais la plupart du temps, ça déviait vers le sarcasme, le foutage de gueule, le délire, le méchant, le très méchant, le très très méchant, le parents alcooliques et sorcières terribles et fées toxicomanes moches et minables, le prince charmant pervers et - en fait - répugnant, et même du cul, pour vous dire. Enfin, de l’amour charnel disons, mais, heu, bon, alors donc bref, genre, la Princesse, ben elle s’entendrait des fois très très très bien avec le Prince, quoi, si vous voyez ce que je veux dire (clin d’œil salace, mais content de soi). En même temps, quelque part, s’ils se marient et ont beaucoup d’enfants, ‘faut bien les faire, les chiares, hein, on a beau être Princesse, on doit respecter les règles de la nature concernant la conception des enfants dans un environnement où l'insémination artificielle n'a pas encore été inventée.

Voilà donc (plus bas, à la fin) ce que l’on va appeler l’Original. À voir comme une sorte de brouillon, quelque part, parce qu’il me semble que ça pourrait être bien mieux écrit, avec des phrases mieux tournées pour le genre que c’est censé être, et tout. Quand même relu, pour dire, corriger les fautes, changer quelques tournures de phrases, mais quasiment comme il a été posé dans mon joli cahier avec un bic bleu, sans toutefois les irrégularités des lignes liées aux quelques turbulences à l’arrivée à New York.

C’est probablement plus pour enfants, moi j’dis. Et/ou pour jeunes ados. Voire, et/ou pour adultes qui veulent une fois dans leur vie lire une histoire sans accrocs, parce que le monde qui nous entoure, la vie en général, voyez-vous, bon.

À la première relecture les influences sont apparues assez évidentes mais elles ne m’avaient pas effleurées pendant “l’écriture”, ce qui est bizarre : Peau d’âne et le Seigneur des Anneaux. Tellement évident. Le Seigneur des Anneaux pour les looooooongues phrases, mais Peau d’âne est toutefois le plus proche, et de loin : c’est un récit où tout va vraiment bien quand même, Peau d’âne. Il n’y a pas de méchants ni rien qui s’en approche. Juste un père qui veut niquer sa fille, mais comme il n’y arrive pas, on va pas en faire un foin, hein, dans le film il semble que l’intention ne compte pas.

Le fait que la Princesse et le Prince se voient et hop, c’est quand même un peu court. Pas de dialogue, pas d’études de caractères, rien. Le coup de foudre, alors que si ça se trouve le gars est bête comme chou, voir con comme un balai (encore que l’expression est usurpée. J’ai avec mon balai des discussions d’un niveau non atteint avec certains cons que j’ai pu croiser par ailleurs). En même temps, c’est un conte de fée (sans fées, mais avec une princesse, c’est déjà ça), alors c’est normal : puisque que tout peut arriver, tout arrive.

Maintenant, j’aimerai bien trouver le temps de faire dévier la chose. En en rajoutant dans le mielleux, pour le sport, parce que c’est vraiment difficile. En balancer plus sur l’enfance de la Princesse, sur son cheval par exemple, et tout. Pour le Prince, ils se rencontreraient pendant la semaine de préparation du jubilé mais sans savoir qui ils sont respectivement (un grand classique). Et tiens, les chevaux aussi s’aimeraient. Lui, il a une jument bien sûr. Mais genre la jument fière et grise, aux yeux verts indiquant une descendance en ligne droite depuis le Cheval des Origines, à l’époque où ce Monde fut créé (notez les capitales partout comme s’il en pleuvait). Et, pourquoi pas, leurs chiens aussi, s’aimeraient. Et leurs hamsters.

Bon.

Mais aussi - surtout, peut-être - en dérivant vers le sombre. Ça se terminera toujours bien, mais les épreuves infligées à la Princesse et à son Prince avant de se trouver/se retrouver pourraient être bien dark. Genre Beren et Lúthien. Un mortel et une Elfe. Tolkien. Le Silmarillion. Y z’ont pas une vie facile ces deux-là, moi j'vous l'dis, mais leur amour est tellement fort ! Elle renonce à son immortalité pour lui quand même, la gonzesse. Et le gars, lui, simple homme-mortel-destiné-au-trépas, ben y va - avec elle - attaquer Morgoth qui est (6 000 ans avant le Seigneur des anneaux) le boss à Sauron, pour dire le level de super méchant. Je pleure chaque fois que je lis cette histoire !

Encore un truc qu’il y a de grandes chances qu’on en reste à l’Original, en fait, parce que figurez-vous qu’on a aussi un métier, et que manque de bol, on l’adore.

Mais si quelqu’un veut se lancer dans la co-écriture avec moi : bienvenue ! Plus que bienvenue, je partage le Google Doc et hop ! (en fait j'ai commencé, des idées en vrac dans les deux branches, la gentille et la pas gentille)

Donc, voici la chose.

Une histoire de Princesse


Il était une fois, dans un Royaume lointain, une Princesse d’une beauté parfaite. Elle était si belle que les poètes les plus talentueux échouaient à parfaitement la décrire. Elle faisait la fierté de ses parents, le Roi et la Reine. Les habitants du Royaume la chérissaient et adoraient la voir passer sur les routes du pays.

Enfant curieuse, elle lisait beaucoup et voulait tout apprendre sur tout, épuisant ses précepteurs qui, pour gagner quelque répit, finirent par lui confier les clefs de la Bibliothèque Royale.

Jeune fille, elle dompta le cheval le plus fier et le plus fougueux du Royaume, au cours d’une rencontre encore chantée de nos jours. Elle n’aimait pas trop la chasse, mais, lorsque les cérémonies officielles l'exigeaient, elle accompagnait son père, montant fièrement son cheval, comme un homme, et en pantalons de chasse. C’était un grand cheval, fier et magnifique et fougueux et d'une blancheur éblouissante, qui ne laissait personne l'approcher, pas même le Roi. Cependant, le jour de ses 17 ans, alors que la Princesse se promenait dans la forêt, elle le vit broutant paisiblement dans une prairie, un rayon de soleil illuminant sa blancheur, et elle s'en approcha. Son escorte fut bien surprise de voir que le cheval ne bougea pas, restant simplement où il était, alors que, d'habitude, il partait en galopant à toute vitesse, en hennissant très fort dès lors qu’il vous voyait approcher. Elle alla ainsi lentement à sa rencontre, sans le quitter des yeux, en fredonnant doucement de sa voix claire et apaisante une mélodie inventée sur le moment, dont les paroles contaient le respect et l'amour qu’elle éprouvait pour un animal aussi majestueux.

C'est ainsi qu'il la laissa le monter, sans selle ni harnais, à cru, et depuis, ils ne se quittent pas et elle seule peut le monter. Il est libre d’aller où il le souhaite et choisit parfois de dormir dans les écuries royales où elle le rejoint pour lui lire une histoire, mais la plupart du temps il préfère errer dans le Royaume. Si elle a besoin de lui, elle siffle très doucement, d'un sifflement cristallin et musical, trois petites fois, la troisième juste peu plus longue. Où qu'il soit, le cheval lève alors la tête fièrement, puis arrive, tel l’éclair.

Quelques années plus tard, la Princesse était la plus belle femme que la Terre ait portée. Ses yeux clairs transmettaient le bonheur, ses cheveux blonds illuminaient les paysages. Elle était très heureuse. Très heureuse, et pourtant... Pourtant, elle ressentait un manque important : son cœur se languissait de trouver l’Amour. Elle avait eu plusieurs soupirants bien sûr, tous plus riches et plus puissants les uns que les autres. Mais ils restaient lourdauds et sans grâce à ses yeux.

Ses parents s'inquiétaient de l'avenir du Royaume. Ils n’avaient aucune intention de la forcer à marier un homme qu'elle n’aurait pas choisi elle-même, et ils se languissaient en secret qu'elle ait un jour un héritier.

Le temps passait doucement et s’étirait sur le Royaume, et la Princesse, toujours la plus belle du monde, ne voyant toujours pas l’Amour arriver commençait à s’interroger sur son propre bonheur.

♔  ♕

La fête du Jubilé de la Création de Royaume allait être la plus grande et la plus belle et la plus éclatante de toutes les fêtes que le monde ait connu. Tous les souverains de tous les pays du monde avaient été invités, et tous avaient répondu favorablement. Les arrivées s’étalaient sur plusieurs semaines et la tension montait aussi bien chez les nobles que chez les gens du peuple. On attendait le feu d'artifice avec grande impatience car le Royaume était réputé pour ses prouesses pyrotechniques, et dans les salons comme dans les tavernes on ne parlait que de cela. Le Roi des Terres du Sud lui-même faisait des pronostics en hochant la tête de l’air de Celui Qui Sait, et assurait qu’il y aurait un cheval de feu dans le ciel. Le potier du village, lui, affirmait, savoir qu’il y aurait une tempête de neige écarlate, et qu’il le tenait d’un ami du cousin germain de son beau-frère, qui avait travaillé un temps comme aide cuisinier de troisième niveau.

Mais en fait, personne ne savait quoi que ce soit, pas même les rois ni les gens importants: le secret était très bien gardé.

Le jour de la fête arriva. Tous les invités s’installèrent dans la salle de bal, construite spécialement pour l'événement. C'était une immense demi-sphère, et à chaque point cardinal, Nord, Sud, Est, et Ouest, un orchestre de 50 musiciens en costume blanc jouaient sur leurs blancs instruments. Les quatre orchestres étaient parfaitement synchronisés, de telle sorte que la musique s’entendait de n’importe où dans la salle. On pouvait danser du Nord au Sud, à l’Est et à l’Ouest sans jamais perdre la mélodie.

Au coucher du soleil, le Roi et la Reine descendirent lentement l’immense escalier central, suivis de la Princesse. On l'aurait dite faite de musique. Sa démarche gracieuse, son port digne, ses cheveux dansant lentement au rythme de son déplacement, elle captivait l’assemblée.

Les souverains firent leurs discours, puis la fête commença vraiment. La musique était joyeuse, les invités s'amusaient. Mais, au milieu du bonheur exprimé par la foule, la Princesse était triste. Elle feignait d'être heureuse, car au fond, elle se languissait terriblement que l’Amour la trouve.

Enfin vint le temps du feu d'artifice. La famille royale était installée sur le plus haut balcon de la salle. En dessous, un autre balcon, puis un autre encore, dix niveaux en tout, permettant aux invités de se répartir afin de ne rien manquer du spectacle. La Princesse se tenait debout, à la gauche de la Reine.

Le tir d'introduction fut lancé. Simple éclat de lumière blanche qui s'éteint rapidement. Puis, sous les yeux médusés de la foule, il repart dans le ciel, sous la forme d'un compte à rebours. « Cinq ! Quatre ! Trois ! … » la foule crie à l'unisson, ravie de voir ces chiffres annoncer le vrai début.

Le feu d'artifice commença alors vraiment. La musique fut parfaitement synchronisée, avec un début calme et doux tandis que les lumières dansaient dans le ciel. La Princesse regardait le spectacle, émerveillée. Soudain, la musique monta brutalement et une violente lumière se fit dans la nuit, totalement inattendue. Surprise comme les autres, la Princesse laissa échapper un petit cri de peur et détourna brièvement ses yeux de la lumière, les laissant se poser sur le quatrième balcon en-dessous d’elle.

Elle Le vit alors.

Il ne regardait pas le spectacle : Il la regardait, Elle. Il L’avait entendue crier malgré la distance. Le cœur transpercé par la clarté de Sa voix, il avait alors tourné la tête, et levé les yeux.

Leurs regards se croisèrent au moment où une seconde explosion de lumière se faisait dans le ciel.

Leurs regards se croisèrent au moment où la musique enveloppait la lumière.

Leurs regards se croisèrent, et leurs yeux furent instantanément verrouillés les uns aux autres. Durant tout le spectacle, ils restèrent à se fixer l’un l’autre, immobiles, leurs silhouettes changeant de couleur au gré des explosions de lumière. Ils ne pouvaient regarder le spectacle, le spectacle c'était l’Autre. Ils ne virent pas la conclusion, ce gigantesque bateau, arc-en-ciel, qui partait vers le bout de la nuit porté par 1000 licornes flamboyantes. Ils ne voyaient qu’Eux.

La Reine ayant bien vite remarqué la scène s'en ouvrit à son époux, et ils furent les plus heureux des parents. Remarquant ce lien surpuissant liant sa fille au fils du Roi des Terres du Nord, et comprenant que rien ne pourrait leur faire détourner leurs regards, il convoqua - en plein feu d'artifice - les charpentiers du château. Il leur promit qu'il referait jouer le même spectacle rien que pour eux, mais qu'ils devaient construire maintenant, tout de suite, un chemin, un pont, un escalier, n’importe quoi permettant aux deux amoureux de se rejoindre sans se quitter du regard.

Les charpentiers du Royaume étaient de grande réputation, considérés comme les meilleurs du monde, et le spectacle était prévu pour durer longtemps : l’escalier fut terminé au moment où le bateau s’estompait dans le ciel et que la foule en liesse applaudissait et criait sa joie. Un des charpentiers dirigea alors doucement le Prince des Terres du Nord vers l'escalier fraîchement construit. Aidée par le Roi, la Princesse enjamba le muret protecteur et prit l'escalier en descendant.

C'est ainsi que, sans jamais se quitter du regard, ils se rejoignirent à mi-chemin. Il prit ses mains dans les siennes, lui annonça qu'il allait devoir rompre ce lien visuel pour l'embrasser, puis, que toute sa vie, il la regarderait comme il l'avait fait jusqu'à présent.

Le cœur de la Princesse battait à toute vitesse. Il était beau dans son habit de glace, magnifique avec son épée d’or maintenue dans son dos. Il n’y avait plus aucune trace de tristesse en elle, l’Amour les avait trouvés, l’Amour les avait réunis. Elle lui répondit d’un sourire qui illumina le ciel, et ils s’embrassèrent sous les vivats de la foule et les pleurs de joie des souverains.

Leur amour était le plus intense qui ait jamais existé en ce monde, et c'est ainsi qu’Ils s’aimèrent, pour la vie, et à jamais.



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