samedi 2 juin 2018

(Presque) Retrouver la foi !

Alors j’l’ai eue, puis j’l’ai perdue, puis j’ai failli la retrouver. Puis finalement non. Vous lisez l'histoire de ce « failli ».

Reprenons au début. Au début, donc, quand j'étais enfant, j'avais la foi. Je veux dire que bon, OK je croyais en Dieu-tout-puissant. Je me tenais relativement à carreau sur le plan des dix commandements (mais la gourmandise, sans déconner, faut arrêter d'en faire tout un plat(1)), j’allais à la messe, j’allais aussi à confesse.


Bon OK. Je ne dis rien au sujet de « confesse »


(Mais c'est super dur).


Donc, quand j'étais plus jeune, élevé bourgeoisement par une mère célibataire très croyante, catho et tout (mais pas le genre chiant. Le genre super gentil et bienveillant), ben j’étais aussi croyant. Me suis même marié à l'église, pour vous dire.

Et attendez, il y a mieux : mon fils ainé est baptisé. Pas mal hein !

Bien entendu, je n’étais pas un super assidu de la messe, et il a même pu m'arriver de sécher, des fois. Mais je ne suis pas sûr que ce soit un pêché, ça. En tout cas je faisais mes petites prières orientées vers les autres (ça, ça vient de ma maman) et d’autres orientées vers moi (ça, ça vient, heu, de moi). Vous savez, le genre : « Heu, s’il Vous plaît, Seigneur, faites que j'ai mon bac », « faites que je retrouve mes clés », et autres « faites que personne ne découvre que c'est moi qui ai mis la boule puante chez la concierge ». J’étais très poli : si ma demande était couronnée de succès, je remerciais le ciel. Si elle ne l’était pas, je n’en voulais pas au Bon Dieu, il fait ses choix. Pas toujours les meilleurs, à l'évidence, mais ce sont les choix d'un omnipotent alors ok, je laisse passer.

Au sujet de « faites que j'ai mon bac », j'en ai une bien bonne. Ayant, à l'époque, pigé qu'il y avait aussi des questions de pognon autours de tout ça, j'avais promis de mettre cinq francs (oui, les petits jeunes qui lisent ça, oui, j'ai connu les francs) dans chaque tronc de St Pierre du Gros Cailloux en cas prière exaucée. Et je les ai mis recta, dans la semaine qui a suivi le succès. Puis quand il a été question de concours de médecine j'ai décidé de proposer d'emblée du lourd, du sérieux, du qui ne se refuse pas : cinq francs par tronc de Notre Dame. La deuxième première année, je veux dire, quand j'ai redoublé (la première je n'ai même pas demandé, réussir alors que je n'avais absolument rien foutu aurait été vraiment injuste pour les autres). Et bien ça vous grille une bonne partie de la paye de votre job d'été ça, moi je vous le dis. J'ai dû demander un petit délai pour régler ma dette.

En grandissant, on réalise que rester scotché aux commandements, sans rire, c’est pas facile. Par exemple, t’es ado, mâle, des hormones en veux-tu en voilà comme s’il en pleuvait, et il faudrait ne pas convoiter la femme de ton voisin ? Sérieusement ? Nan mais c’est un peu n’importe quoi. À ces âges, c'est simple : tu convoites tout le monde, tout ce qui apparait dans ton champ de vision. Si, dans mes années lycée, on ne veut pas que je convoite Véronique, la copine de … ha merde, sur le moment, là, tout de suite, je ne me souviens plus de son nom (la vieillesse est un naufrage), mais c’était un copain … Véronique, donc, qui faisait aussi partie de la bande (haha), ben si on ne veut pas que je la convoite et bien on ne me charge pas en testostérone et autres changements physiologiques révolutionnaires de l’adolescence, c’est vraiment n’importe quoi. J’ai donc convoité tout ce que j’ai pu, sans arrêt, tout le temps, le plus possible, mais n’ai jamais été proactif quand la fille que je convoitais était en couple, donc, quelque part, mission à moitié accomplished. Je n’ai jamais été particulièrement proactif non plus avec celles qui n’étaient pas en couple, en fait, mais je m’égare et vous raconte ma vie.

Donc. Où en étais-je ? Ah. « oui, donc, enfant, j’avais la Foi ».

Et puis, au fil du temps, et, je crois, avec mon métier d'alors (urgence/SAMU/SMUR/SOS Médecins), ben, j'ai perdu cette foi, cette croyance en Dieu et tout ce qui va autours. Et un jour j'ai décidé d’affronter cette question, tout seul, une bonne fois (haha) pour toute. Au retour d’une garde, un matin (à l’époque on faisait 24 heures d’affilée à SOS Médecins Sud, St Pierre, La Réunion), j’étais assis sur un transat, chez moi, pépère, tranquille, face au ciel bleu, un coca bien frais à la main, me relaxant de ma nuit passée en pointillés avant d'aller piquer un roupillon, et subitement, j'ai décidé d’affronter la question de mon hypocrisie : faire deux-trois prières de temps en temps, pour dire, mais sans vraiment y croire. Demander la paix dans le monde, la fin de la famine et que la bagnole ne tombe pas en panne, avec cette impression floue qu’en fait, ben, à part moi-même dans ma tête, il n'y a rien ni personne qui écoute. Il me fallait officiellement accepter, enregistrer, valider la fin de ma croyance en Dieu et en son fils Jésus, quand bien même il est venu sur terre pour nous sauver, ce qui est plutôt sympa.

Et figurez-vous que c'est chiant de renoncer à ça : si je ne crois plus que Dieu va m’aider à retrouver mes clés, qui c'est qui va m'aider ? Hein ? Qui ?

Ben, heu, moi tout seul, en fait, quand on y pense. Moi tout seul. Bien sûr, si vraiment je ne les retrouve pas, je solliciterai alors tous les membres de la famille pour m'aider, et il est probable que l’un d’entre eux les retrouvera sous le caillebotis de la terrasse. Mais bref : décision est prise d'agir en accord avec ce que je crois. Avec ce que je ne crois plus, en fait.

Cette décision a eu au moins une conséquence rigolote : mon second Zizou, le petit, n'est pas baptisé, ce con ! Tout ça parce que je perds la foi entre la naissance du premier et celle du second, et que si je ne crois plus en Dieu ni en son église, qu'est-ce que je vais aller emmerder mon fils avec ça ? En même temps, je n'avais pas particulièrement emmerdé le premier avec la religion. J'ai "oublié" de l'inscrire au cathéchisme, j'ai "oublié" de l'emmener à la messe, tout ça. L'interface Dieu-moi était personnelle, sans intermédiaire religieux, en fait, alors sur le plan pratique, personne n'a vu de différence entre avant et après.

Alors donc bon, me voilà autour de la trentaine, sans croyance autre qu’en l’Homme lui-même, qu’est plutôt un brave gars, gentil et bienveillant en général, mais des fois qu’est un peu con. Il y a, de fait, quelques graves cons, on peut tous tomber d’accord sur ce point. Il y en a même des très graves : c’est statistique, il en faut (voir cet article de ce blog). Il y a des cons méchants, très méchants, mais il y a aussi des pas cons très méchants (ce sont les plus dangereux).

En tout cas, me voilà finalement tranquille, libéré de tout ça.
Et ça dure depuis longtemps. Ça fait quoi, plus de 20 ans maintenant, quand on y pense. Et je vis ma vie tranquille, pépère, je fais mes petites blagues à la con un peu partout et à un peu tout le monde, la vie est belle, des fois compliquée et triste et pénible et insupportable, mais la plupart du temps belle.

Et c'est là qu'il m'arrive quelque chose d’improbable. Voilà que l'autre jour(2), BANG ! The Presque Return of the Foi dis donc !

Je pose le décor pour vous expliquer ça.

On reçoit une copine japonaise en vacances. Elle-même a une copine, japonaise aussi, qui vit à New York (la nationalité japonaise n’a rien à voir dans toute histoire, mais parfois, j’aime bien donner des précisions et ici, en plus, ça fait genre je connais des gens à l'international). Cette copine est une pianiste professionnelle. Entre autres boulots, le dimanche elle joue dans une église de Lower East Side, à Manhattan, et on décide d'aller la voir jouer.

Et là, là, je prends une claque. Mais une claque... Gigantesque. Gi-gan-tes-que.

C'est une petite église protestante et tout, et ça chante, ça chante. Genre Gospell vous voyez. Sans les habits colorés ni les froufrous, mais super joyeux quoi. Et même, je dois dire, que dans la foule et y compris dans les animateurs, il y en a qui chantent bien faux. C’était inattendu, mais super drôle.

Mais la claque, je ne sais pas, je l'ai prise quand ils chantaient tous. Y avait de l'alléluia, du Christ (en anglais, ça se prononce quelque chose comme cra-ill-stt.), du Jésus (là, ça se prononce djizeuss) et tout et tout, mais c'était d'une force putain ! D'une force ! Ça m'a transporté, y'a un truc qui s'est passé. Un moment, vraiment, j'ai eu l'impression de toucher quelque chose d'important, de beau, de précieux. Un truc qui se passe tu vois, là dans cette petite église, avec moins de cent personnes. Tu sens qu'il se passe quelque chose, mais tu n'arrives pas à mettre un doigt dessus, à clairement identifier la chose. Juste, tu ressens cette espèce de … de … de communion entre les gens, ce moment de partage émotionnel.

Et donc, d'un coup, j’m’ai dit (je sais très bien que c'est pas comme ça qu'on dit en bon français mais ça m'amuse) un truc du genre « ah tiens, et si c'était ça, en fait, la foi ?». Je me suis interrogé brièvement, laissant le moment passer et profitant des chants. Et puis en fait, la cérémonie a duré, duré, duré trop longtemps. Et d'un coup, j'ai commencé à me faire chier. À ne plus vraiment écouter, à rêvasser à d’autres choses.

Le moment était passé et il n’est plus revenu depuis.

Je crois qu'en fait, le truc qui est magique, le truc qui est fort, c'est quand nous, les Hommes, on chante tous ensemble, avec des inconnus. Bon, bien entendu ça ne marche pas avec des chansons de fachos, de white supremacists ni d'hystériques daechiques, n'exagérons rien, avec ça t'as envie de partir en courant en laissant du vomi partout. Mais le chant, la musique, quand on passe un bon moment ensemble à hurler « Hallelujah » ou « Le curé de Camaret » ou « e-v’ry-bo-dy-clap-your-hands » en se regardant tous avec nos airs béats en train de frapper dans nos mains, ça donne la foi dans l’Homme, moi j’trouve. Ça ne m’a pas fait croire en un Dieu là-haut et tout et tout, mais ça m’a donné confiance dans le genre humain, aussi simpliste que semble être cette assertion.

Une bonne Corona-citron bien fraîche, ça aurait été le paradis (tiens, ça aussi c’est un truc que tu perds quand tu crois plus : t’iras pas au paradis. Ni en enfer, puisqu’aucun des deux n’existe, mais perdre l’option du Paradis, c’est chiant. Un coup à redevenir croyant comme tout le monde, sur son lit de mort).

Une grande expérience en tout cas.


(1) T’as compris ?
(2) Au moment où je raconte ça, cet autre jour était deux ans plus tôt, en 2016, mais je le raconte maintenant, vas savoir pourquoi; J'avais griffoné le début de l'article, et je retrouve le brouillon en faisant du rangement

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