[Temps de lecture : ~14-15 minutes — Oui, un quart d'heure, mais passionnant : vous ne verrez pas le temps passer]
Pourquoi de cette lettre ?
En suivant, comme plein de monde, la pandémie, j’ai découvert Karine Lacombe, cheffe de service des maladies infectieuses de St Antoine, à Paris, et bien aimé comment elle expliquait les choses. Son ton, ses mots, sa façon de vulgariser la science, de dire les faits, ce que l’on sait comme ce que l’on ignore. Puis, j’ai appris qu’elle était victime, littéralement victime, de cyberharcèlement avec insultes, menaces et même lettres anonymes. Pourquoi ? Principalement (voir uniquement) parce que, avec tant d’autres, elle a expliqué qu’elle était désolée, mais l’hydroxychloroquine ne marchait pas. Tout est parti de là. Raoult, au lieu de répondre sur la science, a catalogué tous ceux qui le critiquent comme corrompus, et cela a déclenché une vague répugnante qu’il n’a rien fait pour arrêter.
Quand j’ai lu qu’elle en était l’une des victimes, je suis allé voir. C’était facile, il suffit de la suivre sur Twitter : chaque fois qu’elle poste une information ou retweete quelque chose (une interview…), on parcourt les commentaires et on en trouve certains très désobligeants, parfois insultants, souvent diffamatoires. Jamais rien sur le fond, non, juste du dénigrement systématique. Misogyne aussi parfois, ben tiens, c’est une femme, c’est plus facile. Comme quoi elle ferait mieux de s’occuper de ses gosses plutôt que parler à la télé, cette salope de grosse pute corrompue (je cite dans le texte, et ça me fait mal de l'écrire, mais comme ça vous voyez le truc) et toute cette sorte de gerbitudes postées par des analphabètes (au sens original du terme : “anal— {pha}— bête” = trou-du-cul au QI très limité).
Ça m’a révolté, me révolte encore. D’autant plus que le but est simple : la faire taire, lui interdire de parler. Alors même qu’elle est une des voix sérieuses de la pandémie, la faire taire, non mais allô quoi, c’est quand même bien crétin.
Me voilà donc en train de lui écrire, à elle (et, vous le verrez, en fait à tous ces scientifiques harcelés parce qu‘ils disent la science), pour qu’elle sache qu’on aime beaucoup ce qu’elle fait et qu’elle n’est pas seule (bon, OK. Si j‘étais un influencer aux trois milliards d‘abonnés, ça aurait sans doute plus d'impact, mais il faut aussi que j'assume ma faible performance sur les réseaux sociaux).
Karine,
Cette lettre pour te dire l’importance que tu as en ce pénible moment pandémique. Pour te remercier, t’encourager, te porter. Pas uniquement toi, en fait, même si c’est à toi que je m’adresse. Elle se destine à toutes les Karine, Caroline, Alexandra(1), cette lettre, à toutes ces femmes auxquelles on reproche d’être des femmes avec un cerveau qui marche, comme on dit. Pour vous remercier/encourager/porter, toutes, toi et tes consœurs, maltraitées comme personne ne l’avait été dans le milieu médical jusqu’à présent(2). Par des ignorants malpolis et bravement anonymes, aiguillés et encouragés par des pseudo savants, mâles bien entendu, et jaloux, et orgueilleux, mais tellement incompétents ! Rabougris et misérables, enfermés dans un passé qu’ils se sont inventé glorieux et auquel, farce ultime de leurs cerveaux rikikis, ils ont fini par croire.
Tu auras noté une certaine familiarité dans mon ton, “Karine” et “tu”, comme si on se connaissait depuis des lustres alors que non, pas du tout. Mais c’est ça le truc : ces derniers mois, je te suis sur Twitter, te lis dans les journaux, te vois à la télé, t’écoute à la radio, et, du coup, j’ai l’impression d’avoir une nouvelle amie depuis toujours. "nouvelle amie", "depuis toujours" : tout cela mis ensemble n’est pas très logique, mais c’est ce qui m’est venu à l’esprit, alors je laisse. Ça va, c’est bon, c’est une lettre, pas le prochain prix littéraire.
Bien entendu, si un jour je te rencontre, je reviendrai probablement à un mode de communication bien plus formel qui ferait honneur à ma maman, à coups de "Professeure” et de "vous”, voire de courbettes à la de Funès, parce que c’est rigolo, les courbettes à la de Funès, là, avec ses “mmmmmmmm” “mmmmmmm”.
Après ce petit aparté (et commencer par un aparté, ça n’est peut-être pas une bonne idée, mais c’est aussi ma façon de ne pas aborder immédiatement les sujets pas faciles), après cet aparté, donc, passons à la lettre.
Première rencontre
Libé, un article sur toi, en mars(3). Voilà où je t’ai rencontrée.
Je me souviens avoir lu le titre, Karine Lacombe. Gravir le pic de l’épidémie, et laissé vagabonder mes pensées sur la photo l’accompagnant. La première impression qui m’est venue est l’inquiétude. Oui, c’est ça, je t’ai vue inquiète. Et quand une cheffe de service des maladies infectieuses, en blouse blanche gravée “Assistance Publique Hôpitaux de Paris” sur la poche droite passe dans Libé et a l’air inquiète, me voilà sur le qui-vive : mon téléphone dans la main gauche, j’ai attrapé une poêle à frire de la droite et me suis apprêté à dézinguer le moindre virus qui tenterait d’entrer chez moi. Mais j’ai vite rangé l’ustensile, car, si je t’ai vue inquiète, j’ai aussi repéré la résolution. Ferme, puissante, inébranlable, comme on dit souvent et même si ça fait un peu bateau, “résolution inébranlable”, je garde. Calme, également, et je t’associe au genre calme qu’il ne faut pas trop faire chier non plus. Je t’ai ensuite projetée faisant partie d‘une armée de scientifiques du monde entier contre lesquels, parce qu’ils sont unis, SARS-CoV-2 n’a aucune chance, absolument aucune.
Oui oui, j’ai vu tout ça dans cette photo. En exagérant un peu le tableau, hein, parce que, bon, tu poses en regardant ailleurs, c‘est tout. Mais si on ajoute pas de drama, où va-t-on ?
L’article est court et se lit bien. La phrase qui me marque le plus est la suivante : Karine Lacombe est impressionnante de solidité, elle vous écoute avec attention, répond avec précision. Ça fait sérieux et colle parfaitement avec l’analyse de la photo. Je décide alors que tu seras l’une des personnes que j’écouterai pour avoir des informations fiables sur ce truc bien foireux qui déferle sur nous tous.
Merci
Et j’ai pas été déçu, alors merci.
On parlera plus loin de ces misérables personnes qui ont gelé les rouages d’une telle épopée et ont permis au virus d’avoir finalement toutes ses chances et toujours trois longueurs d’avance sur nous. Je veux commencer par te remercier avant d’aborder le reste. Merci beaucoup, je te suis extrêmement reconnaissant. Depuis des mois, tu donnes des informations fiables, tu parles calmement, tu expliques, tu vulgarises, tu renseignes, tu dis le fait scientifique. Mais aussi, quand tu n’as pas la réponse, tu dis “je ne sais pas”. Et ça, oui, ça, c’est le top du top. C’est un nouveau virus, on en apprend forcément tous les jours. Entendre une médecin-infectiologue, dans ce contexte, dire — avouer — “je ne sais pas”, “on va voir l’évolution de…”, “Pour le moment, il semble que… mais attention, il faut attendre pour être sûr”, etc., et bien moi, ça me rassure. Je faisais un parallèle avec les conférences de presse du gouverneur de l’état de New York, Andrew Cuomo. J’adorais ces conférences, parce qu’il énonçait la vérité brute. Une de ses phrases qui m’a le plus marqué était quelque chose comme “Là, on va faire comme ça, mais si ça se trouve, dans un mois, on aura appris qu’il fallait faire le contraire, car on ne connaît pas ce virus et on apprend tous les jours, on fait en fonction de la science, on s’adapte”.
Il l’a dit en anglais des USA, mais ça compte aussi.
J’ai commencé par le “merci” avant d’aborder le sordide que tu as vécu et que tu vis encore, parce qu’il est très important de te le dire en face, yeux dans les yeux, avec mon regard numéro 23bis, le direct, ouvert, honnête et profond, que l’interlocuteur sait que ce que je vais dire vient de loin, sans artifice. Ferme les yeux et imagine la scène. Enfin, non, garde les yeux ouverts sinon tu pourras pas lire. Alors juste, imagine la scène. Disons que je te croise dans la rue, par hasard. Je te reconnais et après un échange de politesses (“professeure” et “vous”), sachant que tu es sans doute pressée, je me dis que j’ai peu de temps pour te parler au nom de l’humanité.
Oui : l’humanité, rien que ça. C’est une grosse responsabilité qu’elle m’a confiée, l’humanité, je vais faire de mon mieux.
Alors, juste, je te fixe bien droit dans les yeux, marque une pause de, disons, 3 secondes complètes pour bien mettre l’intensité qui convient, pose la paume de ma main droite sur mon cœur, pour bien appuyer d’où ça vient, puis te dis, en m’exprimant lentement :
« — Merci. Merci pour tout. Merci pour nous. Merci de continuer malgré l’enfer que des trous du cul vous font vivre. Merci. »
Puis je m’éloigne, silhouette fantomatique s’estompant dans la lumière diffuse du brouillard matinal parisien, te laissant émotionnée (j’ai quand même parlé au nom de l’humanité, ce n’est pas rien) et, surtout, requinquée, jauge d’énergie pleine puissance, réserve de mana au top.
Merci, donc, de continuer malgré l’horreur incompréhensible du harcèlement, des menaces, des injures, de la diffamation.
Petite pause dans la lettre avec un rappel historique très bref pour les lecteurs qui auraient suivi l’énorme bordel de l’hydroxychloroquine de loin, ou sous un mauvais éclairage.
L‘origine du harcélement
J’ai découvert Raoult à l’occasion de cette pandémie, et c’est pas glorieux pour lui, pour sûr, même si, au début, quand on ne connaît pas, on se fait avoir, on croit qu’il est bon.
En gros, Raoult, un soi-disant ponte dans le domaine (pas vrai, en fait, loin de là, d’où le soi-disant), chef de l’IHU Méditérranée (ça, c’est vrai), a l’intuition d’origine chinoise qu’un traitement simple et peu coûteux à base d’hydroxychloroquine et d’Azithromycine va régler le problème de cette pandémie en deux temps, trois mouvements. Les médias s’en emparent, la population, terrorisée, à qui on montre des morts partout dans le monde, prend espoir et s’accroche à la première chimère venue, Raoult est Notre Sauveur !
Sauf que non, pas du tout. Sa première étude, fin mars, est une horreur méthodologique qui ne permet aucune conclusion(5). Trump lui-même fait la promotion du traitement, ce qui, en soi, déjà, met la puce à l’oreille que ça doit être quand même bien moisi ce truc.
Reprenons la lettre.
Tout a commencé fin mars. La première étude de Raoult, une bien nulle parmi les autres qu’il a osé produire. Interviewée sur cette étude, tu réponds très franchement et en dis tout le mal que tu en penses. Et tu n’es pas seule à en penser du mal. Tu vois la scène dans Le Père Noël est une ordure (le film), quand Jacques François récupère sa veste de costume, blanche, pour aller réveillonner chez Castel, et que Kloug s’est déversé dessus ? Il regarde l’immonde tâche et dit « Mais qu’est-ce que c’est que cette matière ? », il renifle, puis « Mais c’est d’la merde ! ». Et bien c’est exactement la réaction de tous les scientifiques du monde quand ils lisent l’étude en question.
Tu l’énonces plus poliment que ça, bien sûr. Et tu ajoutes le manque d’éthique, en affichant un agacement certain, parce qu’il y a, de fait, un gros manque d’éthique : proclamer la fin de la partie, annoncer un traitement littéralement miracle à une population anxieuse, alors même qu‘on a aucune idée de l'efficacité (et qu‘elle est peu probable, en fait), c’est pas bien du tout. Pas du tout. Ça fait gourou sectaire, nouveau messie, et moi, perso, pareil que toi : j’ai horreur de ça. Beurk. J’étais et suis toujours bien d’accord avec toi sur ce point : ça a manqué d’éthique tout ça.
Mais voilà. Le shitstorm est lancé. On ne dit pas à Raoult qu’il est mauvais, encore moins si on est une femme, non mais. Raoult ne répond pas sur le fond, sur la qualité de l’étude, jamais (sauf plus tard, pour dire que lui, la méthodologie, il s’en tape). À la place, il lance des anathèmes, et te voilà vendue, corrompue, menteuse dans le seul but de nuire à un traitement simple afin de favoriser BigPharma, comme on dit de nos jours. Oh il ne te nomme pas spécifiquement, bien sûr, il a de la bouteille dans la gestion de la pourriture le Didier. Mais tu es incluse dans un “tous pourris sauf moi” générique, parce qu’au cours de ta carrière, pour aider tes patients à aller mieux et transmettre ton savoir à d’autres, tu as bossé avec l’industrie pharmaceutique. C’est normal, sans eux, à notre époque, il y aurait moins d’innovation, moins d’amélioration des soins, moins de diminution des souffrances. Te voilà ainsi mise dans le lot flou et indéterminé des corrompus. “Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose”.
Jamais aucune réponse n’est venue sur le fond, sur l’étude en question, non, uniquement des attaques personnelles. Un des sbires, de Raoult, Philippe Brouqui, quand même chef du service des Maladies infectieuses à Marseille, te traite sur Twitter de “dinde des infectiologues”. Non mais je rêve. Soit il n‘a pas lu l‘étude, soit il est super mauvais. Cette expression s‘accroche à toi et à l'‘occasion de Thanksgiving, les minables en arrivent même à discuter s‘il faut épargner la dinde ou non, ces miséreux. Le type a retiré le tweet depuis, courageux comme un Raoultien usuel.
Bref, la meute est lâchée et Raoult ne fera jamais rien, pour l’arrêter. Il aurait pu. Il aurait suffi qu’il dise “OK, on arrête, on reprend au début” à ses petits chefaillons, et toute cette horreur que tu as vécue n’aurait pas existé. Il pouvait le faire parce qu’il les tient tous par le bout du nez et ils lui obéissent au doigt et à l’œil, quoi qu’il ordonne, quoi qu’il fasse.
Il ne l’a pas fait. Il ne l’a pas fait, a diffusé ce discours dans les réseaux sociaux et à qui voulait l‘entendre. Des gens, sans connaissances, pas médecins, pas chercheurs, pas scientifiques, ne sachant rien, y ont adhéré, aimant ce côté “Raoult seul contre tous”, c’est tellement plus facile d’être un gros con que de réfléchir, tellement plus confortable de ne pas affronter la réalité qui était à l’époque : il n’y a aucun traitement, uniquement du symptomatique. Et te voilà, pour eux, petite partie lâche et misérable de la population, devenue une paria qui préfère voir ses patients souffrir, mourir, aussi, plutôt que reconnaître que la potion de Raoult marche.
Pour de l’argent.
Pas parce qu’elle ne marche pas, non : pour de l’argent.
Quelle horreur. J’en tremble pour toi, de rage et de douleur. À ta place, j’en tremblerais de rage et de douleur. C’est tellement injuste. Tellement injuste ! Tu bosses comme une malade, te démènes, donnes tout ce que tu as, tout ce que tu peux, tout, pour lutter contre ce fléau pandémique et nous aider tous, nous les futures victimes, et te voilà réduite à une misérable corrompue œuvrant pour le mal de la planète, alors que tu en es l’exact opposé.
Quel esprit gâteux et narcissique arrive à trouver une telle insulte, insinuation répugnante qui blesse fort ? Et le voilà qui l’applique à tout le monde, ce qui, je suppose, ne te soulage pas plus que ça. Mais en gros, quiconque le contredit le fait non parce que lui a tort (il a tort sur tout depuis le début, boussole bloquée sur le sud), mais parce que l’autre est un vendu. Une vendue. C’est dégueulasse.
Je ne peux qu’imaginer l’enfer que ça a été pour toi. Et encore : l’imaginer de loin, me projeter vaguement. Et je souffre, j’ai mal, alors toi, ça doit être terrible.
Cette accusation ne tient pas la route une seule microseconde, mais elle est plantée. Et te voilà, d’un coup, et en plus, traitée des noms les plus grossiers qu’on puisse utiliser quand on veut humilier une femme. Par des anonymes, le plus souvent. Courageux personnages qui crient leur haine du monde depuis le fin fond de leur bunker. On va jusqu’à t’écrire des lettres anonymes d’insultes et de menaces physiques.
Quel enfer tu as vécu et, peut-être, vis encore. Et je ne peux rien y faire, rien. Alors je rêve…
Me voici hacker de l’extrême, prenant possession de tous ces comptes pourris et les exposant à la face du monde. Ou plus subtile peut-être. Plus ingénieux et bien pire pour eux : publiant en leurs noms des messages gentils sur toi et horribles sur l’autre et sa clique.
Que la peur change de camp !
Ou alors je suis ministre de la Santé, et je te me le vire rapidement. Discrètement, parce que je suis super habile et que j’ai découvert un secret sordide le concernant, enfoui dans des caves marseillaises. Il doit bien y en avoir, après tout, on a peur chez les autres de choses dont on est capable soi-même. Le voleur voit des voleurs partout, l’assassin se croit entouré d’assassins, et du coup, le corrompu voit probablement des corrompus tout autour de lui. Plus facilement encore quand on est réputé sexiste bien comme il faut et qu’une femme lui dit que son travail est nul. Alors après avoir découvert son secret, je le force d’abord à virer tous les pénibles de sa clique, pantins inutiles embauchés par piston, puis à démissionner, et partir à la retraite loin, très loin.
Ho ! Et à conseiller que tu lui succèdes ! Ce serait drôle, ça !
Et voilà à présent le flic teigneux que j‘incarne, enquêtant sur les anonymes qui te harcèlent. Les débusquant tous, un par un, et les traînant devant la justice, assistant aux procès, satisfait des sentences de deux mille ans de prison pour chacun, quatre mille pour ceux qui t’ont, en plus, menacée et qui se font maintenant petits, tout petits. Ils sont tellement minuscules une fois leur anonymat levé.
Peut-être as-tu toi-même des rêves de ce genre. Le but de ces vagabondages, quand ils vont à leur fin, est simple : te projeter en train de vivre et travailler sereinement, normalement, avec tes équipes et celles des autres, tous ensemble contre SARS-CoV-2 le maléfique qui, en plus, a créé cette ignoble situation pour toi et tes copines.
Tu n’es pas seule
Au fil des mois, j’ai eu le bonheur de voir que, petit à petit, de plus en plus de comptes Twitter contraient la chose. Au début, un tweet t’insultant ou te diffamant était rarement contré. Aujourd’hui, il est fréquent que des gens répondent, te défendent, signalent un compte qui dépasse les bornes. Oh ça n’est pas systématique, mais ça fait plaisir à voir. Je suppose que tu désactives les notifications des fils de discussion pour ignorer l’assaut mesquin des trolls et des bots, mais je voulais te le dire en face aussi : tu n’es pas seule. Les pénibles sont peu nombreux, très peu, comparés aux gens de bonne volonté. Leur unique force est le bruit. Ils encombrent. Le voisin chiant bourré qui met sa musique pourrie à deux heures du mat’ en se fichant complètement que ça réveille le bébé d’à côté. Le cousin raciste qui parle fort à table en racontant des âneries au kilomètre. L’oncle sexiste et misogyne qui parle aussi fort que son fils, le cousin, et disant autant d’idioties. On les ignore, on laisse pisser, on se regarde les uns les autres en levant les yeux au ciel, se demandant comment une branche de la famille a pu autant merder. Puis un moment, on en a marre et on leur ferme leur clapet bien comme il faut parce que bon, ça va, ça suffit là, STOP !
Et bien dis donc, c’est plus une lettre, c’est… je ne sais pas comment on appelle une très longue lettre, mais s’il y a un mot pour ça, c’est celui auquel je voudrai penser.
Encore une fois merci, Karine, Caroline, Alexandra, merci pour continuer malgré tout. Votre impact est énorme, vous n’êtes pas seules. Nous sommes nombreux à vous soutenir, calmes, réfléchis et souvent discrets, certes, mais on est là. Lents à la détente, oui, mais là.
En attendant de pouvoir faire un jour une bringue géante avec tout le monde, soyez assurée, Professeure Lacombe, de tout mon soutien et de toute mon amitié.
Thibaud
(1) Cyber harassment of female scientists will not be the new norm, https://www.thelancet.com/journals/laninf/article/PIIS1473-3099(20)30944-0
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(2) Peu de temps après Karine Lacombe, tout le monde en a pris pour son grade, hommes comme femmes. Par exemple, de jeunes médecins et scientifiques ayant également remis en cause les pénibles se sont vu harcelés, insultés, menacés et tout : Hydroxychloroquine and COVID-19: a tale of populism andobscurantism, https://www.thelancet.com/journals/laninf/article/PIIS1473-3099(20)30866-5
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(3) Karine Lacombe. Gravir le pic de l’épidémie, https://www.liberation.fr/france/2020/03/22/gravir-le-pic-de-l-epidemie_1782675
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(4) Y a pas de (4), c'est pour voir si vous lisez les notes
(5) Vous testez deux groupes, un avec traitement (A) et un sans (S). Vous avez, disons, pour faire simple avec les chiffres, 10 patients dans chaque groupe. En cours d’étude, 4 patients dans chaque groupe vont mieux, mais 3 patients du groupe A n’évoluent pas comme vous l’espériez. Hop ! Vous les sortez du groupe. On passe donc de 10-10 à 10-7. Les stats deviennent “57 % (4/7) des patients traités ont un effet favorable alors que c’est seulement 40 % (4/10) dans le groupe témoin“. Vous avez produit une étude merdeuse dont vous osez tirer des conclusions, alors que le vrai résultat est soit qu’il n’y aucun effet significatif (4/10 dans les deux groupes) soit que les résultats sont interprétables puisqu'un groupe a perdu de vue 30% de ses patients en cours de route. Vous devriez avoir honte, vous cacher sous un lit et ne surtout pas publier, mais vous décidez que vous êtes le meilleur et que la méthodologie ment. Vous faites publier dans une revue amie qui ne relit rien (votre étude est refusée ailleurs par des relecteurs qui se pincent le nez en vous la rendant). L’étude restera merdeuse pour l'éternité, mais vous en faites à présent la promotion auprès des ignorants.
Par exemple, dans la première étude de Raoult (Gautret et Al, mars 2020), quand un patient rate la réalisation d‘un test PCR de temps en temps (test pas fait, patient pas là…), l‘étude considère que le test est négatif (pas de virus détectable). Pas mal pour trouver une efficacité, hein !
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