mercredi 10 juillet 2024

Comment survivre dans notre monde moderne ?

[Temps de lecture : ~4-5 minutes. Ça va, c’est jouable]

 

Une intéressante question, n’est-ce pas ?

 

Un peu longuet dans sa formulation, quand on y pense. En effet, puisque l'on sait à quel moment je publie cet article (c'est quelque part dans ces pages, mais je l’ajoute ici pour simplifier la lecture : juillet 2024), l’interrogation peut se réduire à :

 

« Comment survivre dans notre monde ? »

 

Moderne est inutile : on sait qu'il s'agit du dernier monde en date, au moment précis de l'écriture de ces lignes. Un lecteur du futur – s’il y a des survivants dans le futur, et s'ils tombent sur ce texte – connaissant la date de naissance de ces lignes (juillet 2024, donc) pourra aisément positionner son contexte de lecture.

Il est toutefois légitime de s’interroger sur l’utilité des trois derniers mots, dans notre monde. N’est-ce pas redondant ? Peut-on survivre ailleurs que là où nous sommes(1) ? Restons simples et concentrés sur les mots importants, le reste, au bout du compte, n’est que remplissage futile.

 

Ce qu'il reste à présent de la question est simple, pur, sans parasite, ni fatigante redondance :


« Comment survivre ? »


Tout est dit.

Plus précisément, tout est posé, on n’a encore rien dit du tout.

 

La vie est compliquée. Elle a même parfois été qualifiée de pute borgne. N’en ayant jamais rencontré, je ne saurai toutefois affirmer qu’une pute borgne est compliquée, mais j’imagine sans peine qu’elle n’inspire qu'une confiance modérée. Lorsque vous vous projetez une telle image et la visualisez clairement, il est difficile d'obtenir une idée flatteuse de la chose.

 

Dans l'état actuel de mon esprit, je visualise très clairement le personnage et lui attribue spontanément de peu glorieux attributs. Ainsi, la vie est une péripatéticienne énucléée, se tenant à la porte d'un cabanon insalubre au bout d’un quai du port d'Amsterdam, par une nuit pluvieuse et glaçante. Elle pratique sa diligence depuis une bonne quarantaine d'années. Outre son œil borgne, il lui manque de nombreuses dents. Celles qui restent semblent tenir par miracle. Sa jambe de bois fait un bruit doux et humide, huileux, lorsqu’elle se déplace, et les tatouages de ses seins, à l'origine magnifiques dauphins dansant avec chacune de ses généreuses respirations, se confondent à présent avec une dermatose sénile étendue, créant une sorte de bouillabaisse abandonnée en plein soleil, balayée par une brise irrégulière.

 

On ne la sent pas bienveillante, la pute. Agressive. Prête à vous faire du mal, comme si vous aviez payé pour une séance de relaxation simple, mais qu'une erreur d'aiguillage vous avait mené dans un donjon sadomasochiste extrême qui n'allait pas laisser que de bons souvenirs.

 

La vie, quoi : pas jolie-jolie.

 

En même temps, si une lueur d'objectivité venait à prendre contact avec moi, il est possible que me prenne la folie de comparer ma vie à celle d'une otage israélienne emmenée par ces barbares répugnants du hamas, et à qui ces enflures coupent le tendon d'Achille pour garantir l’impossibilité de s'échapper. Son sort pendant des jours et des jours donne la nausée à n’importe qui de normalement constitué(2). Idem pour une famille palestinienne bombardée sans relâche, perdant la moitié de ses membres sous les bombes et les décombres, coincée entre ces salopards du hamas qui s'en servent comme bouclier humain, et des dingo israéliens qui n'ont rien à foutre d'un bouclier, humain ou pas.

 

Et du coup, vous pensez que la vieille pute borgne et boiteuse, c'est leur vie à eux, en fait. En comparaison, la vôtre ressemble plus à une bien généreuse escort qui, certes, coûte les yeux de la tête, mais ne vous fera aucun mal. De toute façon, la vie étant une chienne dans tous les cas, vous aurez une panne, alors, bon.

 

Je crains m'être égaré de ma question initiale. En même temps, il semble que les digressions aient été inventées pour moi, alors ça va. Tentons cependant d’y revenir.

 

Avant de se demander comment survivre, il faut savoir si ça vaut le coup, n'est-ce pas ? Vous imaginez bien que si la réponse est négative, le comment n’a guère d'importance : cela reviendrait à se demander pourquoi survivre, et, partant, pourquoi vivre, tout simplement ?

 

Ce sujet, très d'actualité récemment dans mon entourage proche est trop gros pour moi. Un jour, je m'attellerai à y répondre afin de vous illuminer de mes réflexions, acerbes, certes, mais profondes quand on prend l’effort de regarder au-delà des sarcasmes. En attendant, concentrons-nous sur le comment.

 

Si vous avez eu l’immense privilège de lire mes pensées profondes sur le sens de la vie, vous savez comment les choses — à mon sens —devraient être simples. Simple is BeautifulKeep It Simple Stupid. Ou, La simplicité est la sophistication suprême, comme l’a justement dit ce cher Leonard. De Vinci, évidemment. J’en ai d’autres vachement bien :

La simplicité est la forme de la vraie grandeur

(Francesco de Sanctis / Histoire de la littérature italienne)

Une fois résolu, un problème est d'une simplicité atterrante.

(Paulo Coelho / Le pèlerin de Compostelle)

Ou encore :

Le bonheur, tu sauras que c'est la simplicité !

(Jacques Brillant / Le soleil se cherche tout l'été. Je ne connais pas du tout Jacques Brillant, au passage. Jamais lu. Mais cette citation colle à ma peau)

 

Ainsi, donc, préfères(3)comment survivre appelle une réponse simple. Terminant cette réflexion face à la mer, fixant l’un de ces magnifiques couchers de soleil que la Nature sait nous offrir, une Mythos bien fraîche à moitié pleine à portée de main, bercé par les sons du doux clapotis des vagues et du minuscule brouhaha de la vie alentour (discussions ici et là, jeux d’enfants plus loin, …), la solution me happe, m’absorbe, m’engloutit, m’emplit. Vous savez, cette révélation qui vous envahit lorsque vous avez la réponse à un problème qui vous chatouillait, lorsque La Vérité vous recouvre de son voile de connaissance ? Et bien, c’est moi, là, juste maintenant.

 

J’ai cette réponse, et vous la livre, ici, de suite, sans excès ni fioritures, simplement, presque brutalement :

 

En vivant.

 

Comment survivre ? En vivant.

 

Cette réponse a de la gueule. D’une apparente extrême simplicité. Et pourtant, les implications de ces deux mots, les mondes qu’ils cachent, les abîmes de réflexions qu’ils ouvrent dans nos cerveaux, sont immenses.

 

Et me voilà à présent, posant papiers et stylo à côté du transat, attrapant la bière, levant le bras pour trinquer avec le coucher de soleil, un sourire au coin des lèvres, faisant un clin d'œil à la Nature.

 

« Ouais. OK. Je vais vivre. Et ainsi, survivre. »


L'escort est devant moi. Derrière, le clopinement rapide de la pute borgne à jambe de bois se rapproche.

 

J’ai intérêt à me magner de vivre.

 

 

 

(1) Et cette question à elle seule ouvre un abîme de possibilités de réflexions et de retour sur soi, ses rêves, ses fantasmes.
(2) AKA pas du FN. Du RN, pardon. Fondé par des nazis et autres waffen SS.
(3) En mémoire de Tristan, ce frère qui m’a tout appris. Si tu m’entends, à ta santé !

 

 

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